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À la suite de cette scène, mon avocat me dit :

— Je vais faire en sorte de terminer votre affaire le plus promptement possible. Restez-nous à dîner, j’ai besoin de quelques notes, et nous allons voir cela ensemble dans mon cabinet. Le mardi suivant, mon procès fut appelé et plaidé à fond. Mais le délibéré fut encore remis à quinzaine. Du reste, pendant cette quinzaine là, je devais avoir de grandes distractions, comme on va voir.

Il se préparait dans la politique une grande tempête, joyeuse pour les uns, triste pour les autres. J’ignore ce qui se passait à Paris, mais on débitait dans les rues d’Auxerre que l’empereur était débarqué à Cannes avec ses vieux grognards, qu’il marchait sur Grenoble et de là sur Lyon. À cette nouvelle, tout le monde tut dans la consternation. Moi, j’entendais tout et ne disais toujours rien, quand un beau matin arrive à Auxerre le 14e régiment de ligne, ayant à sa tête le maréchal Ney, qui avait mission d’aller arrêter l’empereur. Tous ces bruits ne me parurent pas d’abord bien fondés. Mais en voyant le maréchal se rendre à la Préfecture, et en lisant la proclamation publiée dans la ville par le commissaire de police, où il était dit que l’ordre venait d’être donné par le gouvernement d’arrêter Bonaparte, tous mes doutes se dissipèrent ; je compris que l’affaire devenait sérieuse et que les bruits qui circulaient pourraient bien être vrais. Mais je ne pouvais me faire à cette idée que le maréchal Ney, l’un des meilleurs amis de