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trés-bien accueilli dans cette maison. Il poursuivait un procès au nom de mon frère contre ma famille, qui nous avait dépouillés d’un peu de bien du côté de notre mère. C’est M. Leclerc, père du juge de paix actuel, qui avait entamé ce maudit procès, qui dura dix-sept ans. Je n’en avais d’abord pas eu connaissance et n’en fus instruit qu’à mon arrivée de l’armée. Je m’entendis alors avec M. Maret pour mener à fin cette interminable affaire. Le jour où ma cause fut appelée, mes batteries étaient prêtes. Je me présentai au tribunal en grande tenue militaire, et me posai là dans le plus profond silence. Mes adversaires me lançaient de temps en temps des regards de mépris et presque d’insulte. Je les entendais murmurer contre moi. Il était bien dur pour moi, vieux soldat, si peu habitué à souffrir injure, de me voir traiter de la sorte sans pouvoir me plaindre, sans pouvoir me défendre et me venger. Mon sang bouillait dans mes veines et j’eus bien de la peine à me contenir. Cependant, maître de moi, j’entendais tout et ne disais rien. Enfin, l’avocat de la partie adverse prit la parole, et s’adressant au tribunal :

« Messieurs, dit-il en me désignant du doigt, le voilà ce lion rugissant qui fait trembler ces pauvres malheureux par sa seule présence. Je l’ai vu, il y a deux ans, venir faire la jambe de soie et parader dans les rues d’Auxerre. » Oh ! alors je ne me possédais plus et je ne sais pas comment je n’ai pas éclaté. Heureusement, j’avais ma tabatière ; je me vengeai sur elle en fourrant