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de toutes les bouches. Je puis dire que je versai des larmes bien amères à la vue de mon cher empereur qu’il me fallait quitter, et qui allait partir en exilé pour l’île d’Elbe. Ce n’étaient que cris de désespoir dans toute l’armée. La pensée de nous voir livrés à la discrétion du nouveau gouvernement ajoutait encore à notre accablement.

Si Paris avait pu tenir seulement vingt-quatre heures, la France était sauvée ; mais dans ces temps de cruelles épreuves, les faubouriens ne faisaient pas encore de barricades ; c’est dans nos guerres civiles qu’on a appris à les élever avec tant d’ardeur et à les défendre avec tant d’acharnement.

Il fallut prendre la cocarde blanche ; mais je conservai la mienne comme une relique du grand homme.

Tous ses maréchaux et généraux vinrent faire leur soumission à Louis XVIII, et nous, vieux débris de la grande armée, nous reçûmes l’ordre de sortir de Paris. Mais avant de partir, nous étions douze gaillards, officiers de toutes armes, bien résolus à faire parler de nous. Tous les jours, nous nous réunissions aux Tuileries, cherchant à rencontrer nos amis, les officiers alliés. Fiers de se voir maîtres du terrain, ils ne perdaient jamais une occasion de nous faire des insultes. Ce fut au café Véry, au Palais-Royal, que nous les trouvâmes pour la première fois.

Nous venions d’arriver, lorsqu’un groupe d’officiers russes entra dans la salle.