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j’ai mon compte, dit-il au général qui l’accompagnait.

— Il vous en faut encore vingt, répond le général Drouot.

— Eh bien ! dit l’empereur, je vais les faire sortir. Et il désigna les officiers et sous-officiers qui étaient restés dans les rangs, puis rentra dans son palais. Il désigna le général Drouot pour conduire sa garde à Louis XVIII, à Paris. Enfin, lorsque tous ses préparatifs furent terminés et ses équipages prêts a partir, il donna l’ordre, pour la dernière fois, de prendre les armes.

À ce moment solennel, voilà que tous ces vieux guerriers s’avancent tristement et en silence, et vont se ranger dans cette grande cour du Cheval-Blanc, naguère si tumultueuse et si brillante. L’émotion commengçait à nous gagner tous, nous, que les fatigues et les combats avaient rendus si durs et si insensibles ; chacun se retrouvait un cœur et le sentait battre. Bientôt, l’empereur descend le magnifique escalier, accompagné de tout son état-major, et se présente devant ses vieux grognards :

« Que l’on m’apporte mon aigle ! » dit-il d’une voix forte, mais qui trahissait l’émotion.

Et, la prenant dans ses bras, la serrant sur son cœur, il lui donna le baiser d’adieu.

Combien cette scène était triste et touchante ! À cette vue, l’armée entière éclate en sanglots, et l’on n’entendait plus que des gémissements sortir de tous les rangs,