Page:Coignet - Aux Vieux de la vieille, 1853.djvu/329

Cette page n’a pas encore été corrigée
127

cessa le feu ; puis à un signal donné par l’empereur, les cuirassiers, qui s’étaient portés en bataille derrière les pièces, s’élancent comme la foudre et se répandent dans la ville comme un torrent. Leur charge fut si impétueuse qu’ils traversèrent la ville entière sans rencontrer le moindre obstacle. Les habitants, renfermés dans leurs maisons, en entendant ce tonnerre de cavaliers, reconnurent sans peine que c’était l’armée française. Aussitôt, dans toutes les rues, on plaça des lumières aux fenêtres, et il faisait si clair à minuit qu’on eût pu ramasser une aiguille tombée dans la rue. L’empereur, à la tête de son état-major, entrait à minuit dans Reims, et les Russes fuyaient en pleine déroute. Nos cuirassiers les sabrèrent à discrétion, et leur hourra leur coûta cher.

Si l’empereur avait été secondé dans toutes les provinces comme il le fut en Champagne, les alliés étaient perdus. Cette affaire les avait déconcertés : ils se sauvaient à la débandade sur tous les points. Mais que pouvions-nous faire un contre dix ? Nous n’avions plus pour nous que la bravoure : il fallut succomber sous le nombre. Après bien des marches et contre-marches, nous arrivâmes, le 26 mars, dans cette ville de Saint-Dizier, ravagée tour à tour par toutes les armées ; de là, nous partîmes, je crois, pour Doulevant, la tristesse dans l’âme. L’armée était dans le deuil à notre départ pour Fontainebleau, qui devait être le terme de notre malheureuse campagne. Là, nous voulûmes encore,