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était en désordre, le matériel brisé, les voitures de l’empereur crevées, les tonneaux défoncés ; tout notre butin dut rester au pied de la montagne qu’on rencontre après Wilna. Jamais on ne vit une scène plus désastreuse, un spectacle plus affligeant.

Mais j’ai hâte d’en finir avec de pareils tableaux. L’empereur nous quitta. Le prince Eugène prit notre commandement et parvint à ramener nos débris à Kœnigsberg, où nous nous arrêtâmes. Là, dans toutes les rues et sur toutes les places, nous trouvions des factionnaires prussiens qui insultaient nos malheureux soldats désarmés. Toutes les portes nous étaient fermées. Le froid et la faim nous décimaient encore. Je me transportai de suite avec deux de mes camarades à l’Hôtel-de-ville, dont l’accès était devenu très-difficile. Je montrai ma décoration et mes épaulettes. On nous fit passer par une croisée, et une fois entrés, on nous donna trois billets de logement. Quand nous arrivâmes à notre gite, nous trouvâmes tout le monde à dîner. Il se fit un profond silence ; personne ne nous adressa une parole ; on nous regardait presque avec effroi. Sans me déconcerter, je tirai vingt francs de ma poche, et je dis : — Faites-nous donner à manger, nous vous paierons trente francs par jour.

— Ça suffit, répondit le maître, je vais vous faire allumer un poêle dans cette chambre, et vous faire donner de la paille et des draps. On nous servit sur-le-champ un potage, puis on nous donna à manger pour le