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et repassé devant ce four, sans se douter que j’y étais ; ils ont pris mes dépêches et se sont immédiatement portés sur le lieu qu’elles désignaient, sans que j’aie pu seulement les voir partir.

— C’est curieux, mon vieux grognard. Il faut bien que Dieu te protège, car tu devais être pris.

— Oui, sire, mais le maire m’a sauvé.

— C’est bien ; je saurai reconnaître le service qu’il t’a rendu. Et il raconta mon aventure à ses généraux, après m’avoir accordé huit jours de repos, avec des frais doubles. Le soir, nous arrivâmes à une lieue de l’endroit où mes dépêches avaient été prises ; l’empereur fit appeler le maire et eut une longue conférence avec lui. J’eus occasion de lui serrer la main : « J’aime les Français, me dit-il. Adieu, mon brave officier ! » Bien des années ont passé sur ce souvenir, mais je bénis encore cet homme à qui je dois la vie.

Cependant la déroute devenait de plus en plus affreuse. La température était descendue à vingt-huit degrés au-dessous de zéro. Les soldats étaient exténués de fatigues et de souffrances. Ils étaient obligés, dans leur faiblesse, de se débarrasser de tout leur équipage. À peine s’ils pouvaient conserver leurs armes, et encore leurs doigts restaient gelés sur les canons de leurs fusils. La vieille garde seule avait conservé fusils, sacs et munitions. Elle ne voulait quitter tout cela qu’avec la vie.

Aux horreurs du froid vint se joindre celle de la fa-