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vive anxiété. J’avais peur d’être découvert et massacré. Ce qui pouvait m’arriver de moins triste était d’être pris et mené en Sibérie pour y mourir de froid et de fatigue.

Heureusement, le maire avait eu la présence d’esprit de placer des fagots devant l’entrée du four pour me cacher aux regards. Ce fut l’affaire d’un instant ; les cosaques parurent chez lui ; je ne pus en savoir le nombre, mais je les entendais marcher devant ma retraite. Il me semblait que mon sort allait se décider ; mes cheveux se dressaient, et chaque minute était pour moi un siècle. J’en fus quitte pour une grande frayeur. Les cosaques s’emparèrent de mes dépêches, et dès qu’ils en eurent pris connaissance, ils partirent rejoindre leur régiment, qui se trouvait à l’entrée du village. Ils se portèrent sur le champ au lieu indiqué dans mes dépêches comme celui où les vivres devaient être préparés. Je compris bien vite que l’empereur m’avait sacrifié pour que mes dépêches tombassent au pouvoir de l’ennemi, et par ce moyen le détourner de la véritable route qu’il voulait suivre. Cette ruse de guerre lui permit de faire passer tout son matériel sans livrer bataille ni tirer un coup de fusil.

Quand les cosaques furent partis, le digne maire vint me délivrer : « Sortez, me dit-il, ils n’y sont plus, ils ont pris vos dépèches et sont allés arrêter votre armée ; ainsi votre route est libre maintenant. » de sautai au cou de cet homme généreux, et, le serrant dans mes