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bois. De son côté, le maréchal Ney avait taillé en pièces ceux qui essayaient de nous couper la route. Cette bataille leur coûta cher, et nos cuirassiers les ramenaient par milliers, couverts de boue et de sang. C’était un horrible spectacle. Comme nous arrivions sur le beau plateau où avait eu lieu l’engagement, l’empereur passait les prisonniers en revue, et la neige tombait si épaisse qu’on se voyait à peine.

Derrière nous se passait une scène épouvantable : les Russes dirigeaient sur la foule qui encombrait les ponts les feux de plusieurs batteries qui décimaient ces masses en désordre. De notre position, l’on voyait tomber cette grêle de feu sans qu’il fût possible de secourir nos malheureux compagnons. Tous couraient pêle-mêle vers les ponts ; les voitures se heurtaient, et la confusion fut si grande, qu’hommes et femmes se précipitaient des ponts dans la Bérézina et disparaissaient engloutis par les glaces que charriait la rivière. Personne ne peut se faire idée d’un pareil tableau. Cinq mille personnes des deux sexes périrent dans la Bérézina, et nous y perdîmes le riche butin que nous avions fait au début de la campagne.

Quand il eut passé ses prisonniers en revue, l’empereur me fit appeler : « Tu vas partir de suite, me dit-il, et porter cet ordre sur la route de Wilna. Voilà un guide sûr qui te conduira ; ne perds pas une minute, et surtout fais tous tes efforts pour arriver demain au petit jour. » En effet, il fit interroger et payer le guide