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froid menaçait, la fortune ne semblait plus nous sourire. L’empereur comprit qu’il était temps de rétrograder. — Le comte Monthyon fut chargé par lui de faire partir sa maison et ses bureaux et de diriger à Moscou divers préparatifs. Nous rentrâmes dans cette ville et nous y retrouvâmes notre ancien logis. Quel moment ! On ne soupçonnait pas encore toute la gravité de la situation. Mais déjà l’on devinait que la retraite allait être désastreuse.

À trois heures de l’après-midi, nous quittâmes Moscou : la route était tellement encombrée d’équipages que nous ne pouvions avancer. L’artillerie ne parvenait pas à se faire place dans cette confusion. Nos yeux, habitués à tant de précision et d’ordre, étaient frappés d’une douloureuse surprise. À trois lieues de la ville, nous entendîmes une épouvantable détonation : c’était le Kremlin qui sautait.

Dès les premiers jours de novembre, lh’iver s’annonça par une neige abondante et le froid le plus rigoureux. L’empereur faisait de petites étapes au milieu de sa vieille garde. Il suivait sa voiture à pied, un bâton ferré à la main. Nous autres nous restions sur les bas-côtés de la route avec quelques officiers de cavalerie dont les corps étaient déjà détruits et qui s’étaient adjoints à nous.

Le 9 novembre, à Smolensk, le thermomètre marquait dix-sept degrés. Un froid si extraordinaire pour nous produisit dans l’armée de grands ravages. Nos chevaux