Page:Coignet - Aux Vieux de la vieille, 1853.djvu/250

Cette page n’a pas encore été corrigée
48

— Monthyon, tu prendras ce grognard comme adjoint au petit quartier général.

On peut aisément s’imaginer quelle fut ma joie. Rester près de mes compagnons, près de l’empereur ! — Je ne me doutais guère que je quittais le paradis pour tomber dans un véritable enfer. Le temps me l’apprit bientôt.

Le soir même, mes camarades du régiment fusillèrent mon sac. Le lendemain je me présentai au général Monthyon, qui me reçut avec l’affabilité d’un homme qui aime et respecte les vieux soldats. Il m’invita à couper mes moustaches, parce que l’empereur les avait proscrites à son état-major. Puis il me confia pour mon début une difficile et pénible mission.

Il s’agissait de conduire 700 traînards à leur corps, qui était celui du maréchal Davoust. Dans ces traînards, je n’avais pas un sergent, pas un caporal. Mon état-major se composait d’un tambour et d’un petit musicien. Une fois sorti de Vilna, je quittai la tête de ce singulier bataillon et je me plaçai derrière pour mieux surveiller sa marche. Pendant quelque temps, tout alla bien ; mais à peu distance de la ville, la route s’enfonce dans d’immenses forêts. Dès que la nuit commença à tomber, mes traînards se glissèrent un à un dans les fourrés : impossible à moi de les retenir.

À la nuit close, nous arrivâmes dans une espèce de rond-point où ceux qui n’avaient pas déserté s’installèrent malgré moi, allumèrent des feux et se préparèrent