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Le conseil mit à ma disposition un char à bancs et un soldat du train pour aller chercher les provisions à Paris, plus quatre hommes de corvée par compagnie et un caporal. Je partais pour Paris avec tout ce détachement à deux heures du matin, muni de la note de mon chef de cuisine ; je faisais la provision, et j’étais revenu pour présider au repas du matin, à neuf heures, Le dimanche, l’inspection du réfectoire était passée par notre colonel ou par le général Dorsenne. Il faisait bon à être en règle avec ce dernier ; chacun tremblait à son approche, et il ne ménageait pas ceux qui étaient en défaut. Modeste de tenue, il pouvait rivaliser avec Murat, même l’effacer en bravoure.

J’étais toujours prêt à le recevoir, et toujours prévenu, jamais surpris. Une fois, cependant, je faillis recevoir une verte réprimande : nous avions fait quelques économies sur la nourriture de la semaine, et l’on avait décidé que l’on achèterait de l’eau de vie avec la somme économisée. Mais pour ne pas éveiller l’attention du général Dorsenne, je portai sur mon compte : Légumes coulantes…… tant. Précisément l’infatigable général tomba sur ce passage. — Qu’est cela, s’écria-t-il, légumes coulantes ? Je balbutiai et finis par avouer notre peccadille. D’abord il voulut se fâcher ; puis en voyant ma confusion, en songeant au singulier stratagème que nous avions imaginé, il se prit à rire. — Cette fois, je vous pardonne, dit-il, mais je n’entends