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belle dame et trahir les artifices de ma grande tenue ? Je déployai là plus d’adresse et de ruse que dans le cours d’une longue campagne. Mais j’avais si peur d’être découvert et bafoué que je résolus de ne plus m’exposer une seconde fois à un semblable embarras.

J’abandonnai toutes mes beautés postiches. Il fallut bien qu’on me prit tel que la nature m’avait fait. D’ailleurs, la tâche était au dessus de mes forces. On nous a fait dire que nous mourions sans nous rendre : ceci est bon sur un champ de bataille ; mais à Paris, en pleine paix, je n’avais pas envie de mourir ; et l’ennemi était si terrible que je fus forcé de mettre bas les armes. Je profitai pour cela de quelques plaisanteries sur mon orthographe dont je faisais bon marché, mais qui me servirent de prétexte ; et malgré les instances qu’on fit pour me ramener, je restai vertueux et inébranlabie.

Une fois débarrassé de ma belle conquête, je me remis à travailler avec tant d’ardeur que je restai six mois sans sortir de la caserne autrement que pour monter ma garde, et toujours mon école de bataillon en poche, pour apprendre les manœuvres qui concernaient mon grade. Je parvins ainsi à triompher de toutes les difficultés. Vers ce temps, l’empereur donna l’ordre de faire manœuvrer les sous-officiers et caporaux de la garde au moyen de perches représentant les sections : on nommait cela l’exercice à la perche, et c’était une manière de donner un peu de repos aux vieux grognards.