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demanda le soir même une trève de trois mois qui lui fut accordée de suite. C’est qu’au lieu d’être le grand Napoléon, il n’était que le prince Charles d’Autriche.

Quand tous nos feux furent allumés, nous reçûmes l’ordre de repasser le petit pont et de revenir dans l’île. Nous vîmes alors toute l’étendue du désastre. Le magnifique pont du grand bras qui devait nous réunir au reste de l’armée avait cédé à la crue et aux matériaux de toute sorte que l’ennemi avait lancé en amont pour l’emporter, et il était parti comme nos chapeaux jetés la veille dans le fleuve. Nous fûmes ainsi bloqués dans l’île et nous restâmes trois jours sans pain, obligés pour vivre, de manger tous les chevaux qui étaient avec nous. Pendant ce temps, M. Larrey faisait des amputations à deux pas de nous. Les cris de souffrance et d’agonie se mêlaient à nos cris de détresse.

Enfin, le quatrième jour, nous pûmes repasser le fleuve, grâce aux barques que l’Empereur avait fait descendre de Vienne, et le soir nous arrivâmes à Schœnbrünn. Napoléon commençait déjà à utiliser la trève qui avait été conclue avec l’Autriche. Les matériaux arrivaient de Vienne. On s’occupait de rétablir le grand pont et de lui donner une solidité telle qu’il rendit les mêmes services qu’un pont en maçonnerie, Cent mille hommes se mirent à l’œuvre dans l’île Lobau ; on éleva des redoutes, on creusa des canaux, on traça des chemins, on prépara des ponts et des moyens de passage de toute sorte. L’Empereur arrivait tous les jours