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mettre la garde sur un rang pour présenter à l’ennemi le même front. Comme nous terminions cette manœuvre, nous vîmes arriver sur notre gauche un brancard porté par des grenadiers qui le déposèrent au milieu de nous : c’était Lannes. L’empereur, du haut de son sapin, avait déjà reconnu son favori, et était accouru pour embrasser le maréchal, qu’un boulet avait frappé mortellement. Napoléon se mit à genoux pour le prendre dans ses bras et le fit porter dans l’île, où il subit l’amputation. Là finit la carrière de ce grand général, que toute l’armée chérissait tant, et qui nous rendit de tels services.

La foudre nous écrasait toujours. Pour comble de revers, voilà le corps du maréchal Lannes qui, privé de son chef et pris d’une panique soudaine, se replie sur nous en désordre ; comme nous étions sur un rang, nos grenadiers les saisissaient par le collet et les mettaient derrière eux en leur disant : au moins là, vous n’aurez plus peur.

Heureusement, le village d’Essling était à nous : quoique pris, repris et incendié, il était resté au pouvoir de nos braves fusiliers. Le calme se rétablit peu à peu parmi les fuyards. Alors le maréchal Bessières, venu je ne sais d’où, sans soldats, sans cheval, et qui depuis quelques instants se promenait au milieu de nos débris, leur cria : Camarades, je vais vous conduire en tirailleurs, suivez moi !

En effet, ils suivirent tous le maréchal, qui, les fai-