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quatre pièces qui ripostaient de leur mieux ; mais c’était bien peu de chose. Nous étions là à poste fixe, destinés, dans les combinaisons de l’empereur, à masquer à l’ennemi la faiblesse de notre réserve et à faire un rideau devant le Danube. Aussi nous ne fîmes point un pas en avant de la journée et nous ne tirâmes pas un coup de fusil, pendant que les canons autrichiens, braqués à douze ou quinze cents pas, nous faisaient un mal horrible. Les boulets nous enlevaient des files entières, et les obus faisaient sauter nos bonnets à poil à vingt pieds de haut. Nous autres sous-officiers nous répétions sans cesse : Serrez les rangs ; et les braves grenadiers appuyaient à droite ou à gauche sans murmurer, n’ouvrant la bouche que pour faire quelque plaisanterie.

Il était défendu de passer derrière la ligne pour satisfaire à nos besoins, Comme il y avait là des sapins, on aurait pu s’y cacher et dégarnir nos rangs. Il fallait donc, malgré la pudeur, se poster devant le front de bandière. J’y allai à mon tour, ayant soin de faire face à mes compagnons. En ce moment, un boulet qui ricochait, me couvrit de terre et faillit me casser les reins. Je me sauvai sans prendre le temps de relever ma culotte et trouvant un peu dur le papier que n’avaient servi les Autrichiens. Notre chef de bataillon m’avait cru frappé à mort : il accourut à cheval au devant de moi et m’offrit, pour me réconforter, un flacon de rhum qu’il portait dans ses fontes.