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ment de l’armée d’Allemagne. Nous n’eûmes que le temps de manger la soupe ; la grenadière battit, il fallut prendre les armes et partir de suite, à dix heures du soir, par la route d’Augsbourg ; et plus de voitures, hélas ! Nous étions en pays ennemi : force nous fut de dégourdir nos jambes et de marcher toute la nuit, Nous arrivâmes à Augsbourg le matin, sur les neuf heures. On nous donna trois quarts d’heure pour manger et nous reposer, et nous recommençâmes notre voyage pour faire dans cette seule journée vingt-et-une lieues. Le lendemain, nous avions encore une vingtaine de lieues au moins pour atteindre Schœnbrünn, où s’était établi l’empereur après la prise de Vienne. Nous arrivâmes près de ce village à minuit ; nos officiers eurent l’imprudence de nous laisser reposer à un quart d’heure de chemin du château pour prendre les ordres de l’empereur. Il fut surpris et furieux de la nouvelle de notre arrivée. — Comment, dit-il, avez-vous pu faire faire à mes vieux soldats quarante lieues en deux jours ? Qui vous en a donné l’ordre ?

Quand nos officiers revinrent nous chercher, nous ne pûmes nous relever : nos jambes étaient raides comme des canons de fusil ; il fallut nous servir de nos armes comme de béquilles pour avancer. L’empereur, en nous voyant ainsi, courbés sur nos crosses, la tête basse, ne contint plus sa colère. Il traita nos officiers de toutes les manières. Il dit aux grenadiers à cheval : — Allumez des feux dans la cour, allez chercher de la