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n’était pas très-franche. Les Espagnols avaient dépavé les rues, porté les pavés dans les maisons, et menaçaient de nous écraser au passage. L’empereur, averti, déclara que s’il tombait un seul pavé sur la tête de ses soldats, tous les habitants seraient passés au fil de l’épée. Ils en furent quittes pour repaver leurs rues.

Peu après, l’empereur quitta Madrid avec toute sa garde. Nous arrivâmes au pied d’une montagne formidable dont j’ignore le nom, et que nous trouvâmes couverte de neige comme le mont Saint-Bernard. Avant d’y arriver, nous fûmes assaillis par une tempête de neige qui nous renversait et nous aveuglait. Le passage présenta des difficultés inouïes, surtout pour l’artillerie. Quand, après les avoir surmontées, nous débouchâmes dans la plaine, nous ne trouvâmes que de mauvais villages dévastés par les Anglais. Nous arrivâmes au bord d’une rivière excessivement rapide dont il nous fallut franchir les deux bras à gué, malgré le givre qui nous brûlait les yeux et le courant qui menaçait de nous entraîner à chaque faux pas. Parvenus à l’autre rive, notre cavalerie poussa une charge à fond sur les Anglais, et nous-mêmes les poursuivîmes au pas de course jusqu’à Bénévent. Bientôt nous apprîmes que les Anglais, pressés à outrance, avaient été forcés de se réembarquer.

L’empereur nous donna l’ordre de revenir sur nos pas et de repasser notre terrible rivière : c’était le deuxième bain de la journée ; il y avait de quoi nous