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fâché ainsi, parce qu’il n’avait pas été salué d’après la coutume militaire de son pays. Il le terrasse, apostrophe en bon français, et l’eût tué si l’on n’eût pas mis le hola !

Cette scène avait pour témoins les deux empereurs, qui s’étaient mis à leur balcon pour voir passer la joyeuse bande, et qui riaient aux larmes. L’empereur Alexandre disait : c’est bien fait ! Pourquoi s’avise-t-il de troubler le plaisir de ces braves gens ? — Tout le monde fut content, les Russes surtout.

Lorsque Napoléon eut terminé ses affaires, il fit ses adieux à l’empereur de Russie, et il partit le 9 juillet de Tilsitt, se dirigeant vers Kœnigsberg. Nous reçûmes l’ordre de le suivre, et, aussitôt, l’on nous mit en route. Nous passâmes par Eylau, et nous vîmes les tombeaux des victimes du 5 février, Ce pays, si funeste pour nous, était alors couvert d’une magnifique verdure. Au milieu s’étendait un beau lac, sur lequel nous avions manœuvrés avec toute notre artillerie. Ce changement complet de la nature nous remplissait d’étonnement.

Nous traversâmes le champ de repos où dormaient nos camarades morts pour la patrie reconnaissante. Un silence religieux régnait dans nos rangs. Nos chefs nous firent porter les armes !

Arrivés à Kœnigsberg, nous fûmes logés chez l’habitant. La ville était pourvue de provisions de toute espèce ; on avait pris d’énormes convois de vivres que