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Leurs uniformes devinrent trop étroits : nous leur fîmes signe de se mettre à l’aise, en déboutonnant nous-mêmes quelques boutons de nos gilets. Ils ne se le firent pas répéter deux fois, et nous vîmes alors tomber un tas de sales chiffons, dont ils se plastronnaient, pour avoir une poitrine plus majestueuse.

Au milieu du repas, deux aides-de-camp vinrent nous annoncer la visite de nos deux souverains, et nous prévenir de ne pas bouger. Napoléon et Alexandre les suivirent de près ; ils firent le tour des tables, examinant tout avec curiosité. En sortant, Alexandre s’écria : Grenadiers, voilà qui est digne de vous !

La fin du repas dégénéra en une dégoûtante orgie. Nos Russes se conduisirent comme des sauvages.

Nous emmenâmes ceux qui pouvaient encore se soutenir, et nous les conduisîmes à leur caserne. Les autres restèrent sous les tables.

Un de nos farceurs eût l’idée de se déguiser en Russe. Il changea d’uniforme avec un de nos convives, et parut ainsi dans les rues de Tilsitt, au milieu des groupes qui sortaient du festin.

Ayant un besoin à satisfaire, il s’arrêta en recommandant à un camarade de ne pas lâcher son Russe. Puis, au bout d’un instant, il se mit à courir pour les rattraper. Un sergent russe passait ; il continue son chemin sans faire attention à celui-ci, et est tout étonné de se voir appliquer des coups de canne sur les épaules. Se sentant frappé, il saute sur le sergent, qui s’était