Page:Coignet - Aux Vieux de la vieille, 1853.djvu/182

Cette page n’a pas encore été corrigée
172

Nous allâmes au-devant de nos invités, et nous les prîmes par-dessous le bras, pour les conduire. Comme ils n’étaient pas si nombreux que nous, nous en avions un pour deux. Ils étaient si grands, que nous avions l’air de leur servir de béquilles. Moi, qui étais le plus petit des grenadiers français, j’étais obligé de lever la tête en l’air pour voir la figure du mien.

Ils semblèrent confus de nous trouver dans une tenue si brillante. Nous étions superbes. Il fallait voir surtout nos cuisiniers poudrés à blanc, tablier blanc par-dessus l’uniforme, bonnet de coton sur l’oreille, et gaine au côté. C’étaient, du reste, des gens distingués dans le métier culinaire. Quand nous étions casernés, chaque ordinaire {dix-neuf ou vingt et un hommes généralement) leur faisait douze francs par mois ; et, de plus, ils étaient exemptés du service. Ce jour-là, ils s’étaient surpassés.

Nous plaçâmes nos convives à table, chacun entre deux Français. La gaieté ne tarda pas à nous gagner. Nos géants affamés ne surent bientôt plus se contenir. Oubliant toute réserve, ils se mirent à dévorer.

Pour toute boisson, nous avions de l’eau-de-vie, et pour tous verres des gobelets de fer blanc, qui contenaient un quart de litre. Avant de leur présenter ces gobelets, nous étions obligés d’y boire une gorgée ; ils s’en emparaient aussitôt, et, dans leurs mains, le liquide disparaissait rapidement. Ils l’accompagnaient de bouchées de viande grosses comme un œuf.