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— Non, reprit Lannes, tu as encore besoin de moi ! (Il n’y avait que ce grand guerrier qui tutoyât l’empereur.)

Le 14 juin, au matin, nous apprîmes qu’une grande bataille était engagée sur les bords de l’Alle. Tous les corps de l’armée s’avançaient dans cette direction ; nous mêmes reçûmes l’ordre de nous y porter en toute hâte.

Pour déboucher dans la plaine de Friedland, il fallait traverser un grand bois percé d’une route très large ; on entendait le canon retentir avec violence, et l’on disait que les troupes françaises, déjà engagées, avaient besoin de secours. Nous marchions au pas de course.

Chemin faisant, nous rencontrâmes beaucoup de grenadiers Oudinot qui étaient blessés. Quelques-uns avaient leurs vêtements brûlés et la figure noire comme du charbon. Il paraît que des caissons avaient sauté au milieu de leurs rangs, et les avaient mis dans cet état. Les malheureux voyaient à peine ; ils allaient à tâtons. Quand ils nous reconnurent, ils nous crièrent : allez vite ! allez vite ! nos camarades ont besoin de secours. Ces paroles redoublèrent notre ardeur et la rapidité de notre course.

Au sortir du bois, nous vîmes s’ouvrir devant nous une plaine magnifique dans laquelle on se battait de tous côtés. Nous arrivions au beau milieu de l’action.

L’empereur nous donna une heure de repos, pendant laquelle le combat se ralentit peu à peu. Il en profita pour visiter ses lignes, revint au galop près de