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l’une des victoires remportées depuis le commencement de la guerre.

Bientôt, il nous arriva du vin et de l’eau-de-vie. Autant nous avions souffert, autant nous vivions dans l’abondance ; la joie brillait sur toutes les figures.

L’empereur lui-même paraissait fort heureux ; souvent il venait nous voir manger la soupe. Que personne ne se dérange, disait-il. Je suis content de mes grognards, ils m’ont bien logé, moi et mes officiers !

Nous passâmes le mois de mai à faire la belle jambe dans ce camp magnifique. Les riches Polonais et les belles dames s’empressaient de nous visiter. Nos costumes avaient reçu quelques réparations ; nous étions frais et pimpans comme à Paris.

Mais le 5 juin le bruit se répandit que le maréchal Ney avait sur les bras une armée russe tout entière, et qu’il lui avait fallu toute son intrépidité ordinaire pour empêcher une déroute. Aussitôt l’ordre de se préparer au départ fut donné, et le 6, à trois heures du matin, nous levâmes notre camp.

Pendant quelques jours, ce ne fut pour nous que marches et contre-marches. Une fois, pendant une halte, le maréchal Lannes arriva je ne sais d’où, et il eut avec l’empereur une vive discussion à quelques pas de notre ligne. Le sang d’un Français, disait-il à l’empereur, vaut mieux que toute la Pologne.

— Si tu n’es pas content, répondit Napoléon, va-t-en ?