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Au même instant, notre fourrier eut la jambe emportée ; il coupa tranquillement un lambeau de chair qui restait pendant, et nous dit, sans sourciller : J’ai laissé trois paires de bottes à Courbevoie, j’en ai pour longtemps, maintenant ! Puis il ramassa, sur le champ de bataille, deux fusils en guise de béquilles, et s’en alla tout seul à l’ambulance.

Les boulets et les obus finirent par défoncer la glace, notamment dans la portion du lac qui est la plus rapprochée d’Eylau. Un grand nombre des chasseurs à cheval disparut dans ce gouffre, quand l’empereur se décida à nous faire faire un mouvement.

Il nous porta en avant sur la hauteur, notre gauche appuyée à l’église. Lui-même s’installa près de nous, avec son état-major, observant l’ennemi et donnant ses ordres.

Il eût la témérité de se porter encore plus à gauche, vers le cimetière, où se livrait un combat épouvantable. Là tombèrent une multitude énorme de Francais et de Russes ; ces derniers surtout furent horriblement maltraités. Les baïonnettes de nos soldats étaient teintes de leur sang, et nous restâmes maîtres de la position.

Les boulets continuaient de ravager nos rangs, bien que nous fussions un peu protégés par l’église. Un, entre autres, coupa le bâton de notre aigle, et passant entre les jambes du sergent-major qui le tenait, fit deux trous à sa capote, par devant et par derrière, sans le blesser aucunement.