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les maisons du village, les boulets passaient au-dessus ou au travers, et tout venait tomber comme grêle sur le lac où nous nous trouvions.

C’était, dans nos rangs, un épouvantable ravage. Bien que nous eussions les pieds sur la glace ou dans la neige, nous ne songions guère au froid ; il semble même que cette température si rigoureuse excitait notre courage. Mais quelle position affreuse ! rester, pendant deux heures, immobiles, attendant la mort sans pouvoir se défendre, sans pouvoir se distraire. De tous côtés les hommes tombaient, et des files entières disparaissaient.

Au milieu de ce désastre, je pourrais citer de nombreux traits d’héroïsme ; — en voici deux qui sont encore présents à ma mémoire :

M. Sénot, notre tambour-major, était derrière nous à la tête de ses tambours. On vint lui dire que son fils était tué. C’était un jeune homme de seize ans ; il n’appartenait encore à aucun régiment, mais, par faveur et par égard pour la position de son père, on lui avait permis de servir comme volontaire parmi les grenadiers de la garde. — Tant pis pour lui, s’écria M. Sénot ; je lui avais dit qu’il était encore trop jeune pour me suivre ; et il continua à donner l’exemple d’une fermeté inébranlable, Heureusement la nouvelle était fausse : le jeune homme avait disparu dans une file de soldats renversés par un boulet, et il n’avait aucun mal. Je l’ai revu, depuis, capitaine adjudant-major dans la garde.