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mourir de faim sous leurs yeux. Quelle différence avec les Allemands ! Ces derniers ne quittent jamais leur maison, et rien n’égale leur humanité. — J’ai vu, dans les guerres d’Allemagne, un maître de poste tué par des balles françaises. Sa maison servait d’ambulance, et sa femme, à côté de son lit de mort, cherchait du linge pour nos blessés, en pleurant et en répétant : C’est la volonté de Dieu ! Ce trait n’est-il pas sublime ?

Le 30 janvier, nous quittâmes nos cantonnements. Le général Dorsenne avait reçu de Napoléon l’ordre d’arriver près de lui en toute hâte. Nous le rejoignîmes dans les premiers jours de février. On avait dit d’abord que les Russes se sauvaient du côté de Kœnigsberg pour s’embarquer, mais la nouvelle était fausse ; ils nous attendaient tranquillement dans une forte position en avant d’Eylau. Notre armée les en délogea à grande peine et les rejeta de l’autre côté du village. Quant à la garde, elle suivait de près le mouvement de l’armée sans y prendre aucune part. Ce n’était que le prélude de la bataille gigantesque à laquelle nous allions assister.

Le 7 février, l’empereur nous fit camper (la garde seulement) sur une montagne, en face d’Eylau, à droite de la grande route ; cette montagne forme une espèce de pain de sucre à pentes très-rapides ; elle avait été prise la veille ou l’avant-veille par nos troupes, car nous trouvâmes une masse de cadavres russes étendus çà et là dans la neige et quelques mourants faisant signe qu’ils voulaient être achevés. Nous fûmes obligés de