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Les ordres à cet égard étaient fort sévères : nous avions bien garde de les enfreindre. Et l’empereur qui nous voyait si sages était rempli de joie.

Dès avant le jour, il monta à cheval pour visiter son monde. L’obscurité était si profonde qu’il fut obligé de se faire éclairer ; et les Prussiens, voyant cette lumière se promener sur le front de leur ligne, firent feu sur Napoléon. Il continua sa route sans plus s’inquiéter, jeta partout le coup d’œil du maître, rentra à son quartier général, et donna l’ordre de prendre les armes.

C’était le 14 septembre au matin. Il faisait encore nuit, quand les Prussiens nous souhaitèrent le bon jour à coups de canon. Les boulets passèrent au-dessus de nos têtes. Un vieux soldat d’Égypte, en les entendant, s’écria : Voilà les Prussiens qui toussent ; il faut leur envoyer de notre vin sucré.

Toute l’armée se porta en avant sans y voir. Nous marchions comme des aveugles, nous heurtant les uns contre les autres. Au bruit des mouvements ennemis, on reconnut qu’il fallait faire halte et commencer l’attaque. Le maréchal Lannes se fit entendre le premier vers notre gauche, et ce fut le signal pour toute la ligne. On ne se voyait toujours qu’à la lueur de la fusillade.

Après la nuit vint un brouillard qui nous gênait beaucoup. Néanmoins, nos colonnes avançaient toujours et gagnaient du terrain. L’empereur fut même obligé de modérer notre fougue et de nous arrêter. La foudre grondait de toutes parts.