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dame voulait avoir la bonté de me procurer une bouteille de vin. Voilà quinze sous, je partirai après l’avoir bue.

Elle prend mes quinze sous, et sort un instant pour aller elle-même chercher la bouteille. Vite je mets habit bas, je m’entoure la tête d’un mouchoir, je me fourre dans son lit, et je me mets à trembler de toutes mes forces.

La dame revient. En me voyant installé dans sa couche, elle pousse les hauts cris, et va chercher les locataires. Ceux-ci avaient le mot. Ils s’approchent, prétendent que je suis malade, que j’ai un frisson épouvantable, qu’il faut me faire chauffer du vin sucré, mettre le pot au feu, me donner un houillon, et me bien couvrir. Les malins s’amusèrent aux dépens de l’avare et firent tant que, bon gré mal gré, elle finit par céder à leurs exhortations. J’en profitai largement, et tout le monde fut enchanté de la farce que je lui avais jouée.

Nous rentrâmes à Paris par la porte Saint-Denis ; là nous attendait un immense concours de population, et l’on nous avait élevé un arc de triomphe.

Aux Champs-Élysées nous trouvâmes des tentes et des tables servies de viandes de toutes sortes, avec de bons vins cachetés. Mais le malheur voulut que la pluie tombât par torrents. Les plats se remplissaient d’eau, nous ne pouvions manger. On ne prenait même pas le temps de déboucher les bouteilles ; on faisait sauter le goulot, et l’on buvait à la hâte. C’était pitié de nous voir, tous trempés comme des canards.