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et elle voulut faire un cadeau à mon épouse en récompense de ma bonne conduite. Elle me donna précisément le châle que j’offrais à ma jeune dépositaire.

Notre route de Strasbourg à Paris fut parsemée de nombreux incidents. Les habitants d’Ay nous prodiguèrent leur fameux vin. Il en résulta dans nos rangs un désordre complet. Nos ivrognes roulaient dans les fossés. Il fallut s’arrêter trois heures dans une grande plaine pour laisser aux traînards le temps de rejoindre leur compagnie, et les propriétaires d’Ay furent obligés d’en ramasser un grand nombre pour nous les ramener.

À Meaux, en Brie, nous fûmes encore bien reçus. Quand on rompit les rangs, je m’acheminai vers mon gîte. J’étais seul ; ne sachant pas lire, je présentais à chaque pas mon billet de logement. Arrivé dans la rue basse qui conduit à la route de Paris, je m’adressai à un gros monsieur, qui s’écria : Vous êtes logé chez une dame bien riche, mais c’est une vieille avare, qui vous enverra à l’auberge. Et, du doigt, il m’indiqua une maison au bas de laquelle s’ouvrait une boutique de serrurier. Celui-ci me donna les mêmes renseignements sur mon hôtesse. — Soyez tranquille, lui répondis-je, j’espère convenir à cette dame ; dans une heure venez me voir, je serai installé chez elle.

Je monte sans bruit au premier étage. Je salue la vieille dame ; elle me déclare qu’elle ne loge pas les militaires. — Je le sais, lui dis-je, mais je suis bien fatigué. Permettez-moi de me reposer un peu. Si ma-