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le quittai pour rejoindre Ambleteuse. J’étais seul ; je rencontrai en route deux grenadiers de la ligne qui voulurent m’arrêter. En ce moment les soldats de la garde étaient exposés à de fréquentes attaques. Il y avait au camp de Boulogne ce que nous appellions la compagnie de la lune : c’étaient des brigands et des jaloux qui profitaient de la nuit pour dévaliser ceux d’entre nous qu’ils surprenaient isolés, pour leur piller leur montre et leurs boucles d’argent, et pour les jeter à la mer. On fut obligé de nous défendre de revenir la nuit au camp sans être plusieurs de compagnie. Pour moi je me tirai d’affaire en payant d’audace. J’avais mon sabre et sept ans de salle. Je dégainai et je défiai mes adversaires. Ils crurent prudent de me laisser passer mon chemin ; mais si j’avais faibli, j’étais perdu, et le dîner de mon tambour-major m’eût coûté terriblement cher.

Les préparatifs de descente continuaient toujours. Les vivres étaient déjà transportés dans les vaisseaux. Les chevaux et l’artillerie étaient embarqués ; on fixait même le jour où toute la flotte devait mettre à la voile : c’était, je me le rappelle, un vendredi soir ; mais la veille, à dix heures de la nuit, l’ordre arrive de nous faire débarquer, et, immédiatement, on nous conduit au pont de Briques pour déposer nos couvertures, puis sac au dos, et en avant’! Partout c’étaient des cris de joie ! La vie de marin commençait à nous peser ; nous préférions nous battre sur la terre ferme, où nous sentions