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Meudon. Il avait quitté la garde à la suite d’une aventure singulière. Un jour, nous étions de service aux Tuileries ; il fut placé à la porte même du premier consul, à l’entrée de sa chambre. Quand le consul passe, le soir, pour aller se coucher, il s’arrêta stupéfait ; on l’eût été à moins. Figurez-vous un homme de six pieds quatre pouces, surmonté d’un bonnet à poil de dix-huit pouces de haut et d’un plumet dépassant encore le bonnet à poil d’au moins un pied. Il m’appelait son nabot, et, quand il étendait le bras horizontalement, je passais dessous sans y toucher. Or, le premier consul était encore plus petit que moi, et je pense qu’il fût obligé de lever singulièrement la tête pour apercevoir la figure de mon camarade, Après l’avoir examiné un moment, il vit qu’en outre il était parfaitement taillé. Veux-tu être tambour-major ? lui dit-il.

— Oui, consul.

— Eh bien ! va chercher ton officier.

À ces mots le grenadier dépose son fusil et s’élance, puis il s’arrête et veut reprendre son arme, en disant qu’un bon soldat ne devait jamais la quitter.

— N’aie pas peur, répliqua le premier consul ; je vais la garder et t’attendre.

Une minute après, mon camarade arrive au poste. L’officier, surpris de le voir, lui demanda brusquement ce qui était arrivé. Parbleu ! répondit-il avec son air goguenard, j’en ai assez de monter la garde, j’ai mis quelqu’un en faction à ma place.