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Au bout de quarante jours, comme j’étais encore dans un état fort menaçant, il y eut une consultation de médecins, à laquelle fut appelé le baron Larrey. Ils discutèrent entre eux. Puis M. Larrey demanda un baquet de glace et de la limonade : il me fit boire dans un grand gobelet d’argent, et tout le monde attendit le résultat de la potion. Je ne vomis pas ; alors on m’en administra un second verre : il passa comme le premier. Messieurs, dit le baron Larrey, j’ai sauvé le haut, sauvez le bas. Aussitôt la délibération recommença, puis les remèdes allèrent bon train. Sans entrer ici dans des détails délicats, je puis dire qu’ils produisirent leur effet. Je rendis des matières pleines de vert-de-gris : on les emporta et on les analysa soigneusement.

À partir de ce jour, ma convalescence commença ; les soins des médecins et des infirmiers m’avaient arraché à la vengeance dont je faillis être victime. C’était l’époque des conspirations, contre Bonaparte, des Pichegru, des Cadoudal et autres. Sans doute quelqu’un de leur bande, ne pouvant atteindre le grand homme, s’était rejeté sur l’un de ses fidèles soldats.

Je restai fort longtemps à l’hôpital, car je me rappelle que j’y étais encore lors de la distribution des Aigles, au Champ-de-Mars (15 janvier 1805) ; on me mit à une fenêtre, sur un fauteuil, pour voir défiler les troupes qui se rendaient à la cérémonie.

J’étais traité comme un prince ; le chocolat, le poisson, le vin de Malaga, tout m’était prodigué ; des mains