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mande deux demi-tasses, et, pendant qu’on les sert, je m’occupe à regarder la dame de comptoir. Elle était fort belle ; j’avais vingt-sept ans : je la brûlais des yeux. — Votre café va refroidir, me dit le monsieur, prenez-le donc ; et, aussitôt, il se lève, prétextant des occupations pressantes, paie la consommation et sort. Quand j’eus fini ma tasse et que je me levai à mon tour, il avait disparu. Mais à peine eus-je franchi le seuil du café, que je tombai sur le pavé. Tout mon corps se tortillait, j’étais en double : j’avais des coliques épouvantables. On vint à mon secours ; les maitres du café, je crois, me firent porter à notre hôpital du Gros-Caillou, et, de suite, je fus traité vigoureusement.

M. Suze, premier médecin de l’hôpital, excellent homme, mais borgne et très grêle, déclara que j’étais empoisonné. Jour et nuit on me frictionna, puis on m’appliqua des ventouses ; je finis par être exténué, on aurait aperçu une chandelle au travers de mon corps.

L’empereur fut instruit de la position dans laquelle je me trouvais ; il ordonna de mettre près de moi deux médecins pour me soigner et me garder, et, tous les matins, un officier de service venait savoir de mes nouvelles. Le grand chancelier donna aussi l’ordre de laisser entrer près de moi tous ceux qui demanderaient à me voir, même sans permission.

Mais ce qui me consolait le mieux de toutes mes souffrances, c’était d’apercevoir ma croix appendue au mur, au-dessus de mon lit.