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Ce dernier, qui n’avait encore vu que de grands dignitaires et des officiers supérieurs, sachant aussi que beaucoup d’officiers n’étaient pas encore décorés, s’étonna d’apercevoir lout-à-coup un simple soldat. — Halte-là, dit-il, on ne passe pas. Mais Murat lui répondit : Mon prince, tous les dignitaires sont déjà décorés, et tous les légionnaires sont égaux entre eux. Il est appelé, il peut passer. — Je monte alors les degrés du trône et je me présente droit comme un piquet devant l’empereur ; il me dit que j’étais un brave défenseur de la patrie et que j’en avais donné des preuves. Accepte, ajouta-t-il, la croix, de ton empereur.

Je retirai ma main droite qui était collée à mon bonnet à poil, je reçus la croix par le ruban, et ne sachant qu’en faire, je redescendis les degrés à reculons. L’empereur, voyant mon embarras, me fit remonter près de lui ; il saisit la croix dans ma main, la passa dans la boutonnière de mon habit, prit une épingle sur la pelotte de Beauharnais, et me l’attacha.

Cela fait, je descendis et, traversant de nouveau l’état-major qui occupait le parterre, je rencontrai mon ancien colonel, M. Lepreux, et mon ancien capitaine Merle, qui attendaient leur décoration. Ils m’embrassérent en passant.

Quand je fus sorti du dôme, je ne pouvais plus avancer, tant j’étais pressé par la foule qui voulait voir ma croix ; les dames et les messieurs m’embrassaient. J’ai vu le moment où j’allais servir de patène.