Page:Coignet - Aux Vieux de la vieille, 1853.djvu/104

Cette page n’a pas encore été corrigée
94

J’ajouterai qu’il était aussi juste que brave. De tels hommes sont bien à regretter.

Un jour la nouvelle se répandit que le premier consul viendrait visiter notre caserne et qu’il fallait nous tenir sur nos gardes. Il nous était arrivé des malheurs. Plusieurs grenadiers s’étaient suicidés. C’était là, sans doute, ce qui avait déterminé le premier consul à nous visiter. Il trompa tout son monde, et vint si matin qu’il nous prit au lit. Il était accompagé du général Lannes, son favori. Tous deux parcoururent les chambres à coucher. Quand ils furent arrivés dans la nôtre, voilà mon camarade qui s’allonge en voyant le consul. Comme il avait six pieds quatre pouces, ses jambes dépassaient le bout de la couchette de plus d’un demi-pied. Bonaparte croit qu’il y a là deux grenadiers au bout l’un de l’autre. Il vient à la tête de notre lit pour s’assurer du fait, passe la main tont le long de mon camarade et reconnait la vérité. Mais, dit-il, ces couchettes sont trop courtes pour mes grenadiers. Vois-tu, Lannes, il faut réformer tout le coucher de ma garde, prends cela en note. Cette literie servira pour la ligne et on la remplacera par quelque chose de plus convenable. — En effet, nous reçûmes quelque temps après des lits neufs de sept pieds de long, et, ainsi, mon camarade fut la cause d’une énorme dépense pour l’État.

Le consul, en continuant sa visite, fit une morale sévère à nos chefs, il voulut tout voir, Quand on lui présenta le pain : Ce n’est pas cela qu’il faut, dit-il, je