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foi seul nous donne l’Être véritable, nous fait saisir l’Être vivant. Pour Khomiakow, la religion chrétienne enveloppe la vérité vivante et réelle ; elle seule contient l’idée comme Être vivant. L’idéalisme concret, ce fruit original de l’esprit russe, est l’enseignement de l’idée entendue comme l’Être vivant. I] est en même temps le vrai réalisme. Le contact immédiat du sujet connaissant et de l’Être n’est réalisé ni dans les spéculations abstraites des rationalistes, ni dans l’expérience sensible des empiriste : il est réalisé dans cette expérience immédiate, primitive et vivante antérieure à toute rationalisation et à la distinction même du sujet de l’objet. Toutes ces idées fondamentales pour la philosophie russe furent exposées par Khomiakow sous une forme non systématique, à bâtons rompus. Celui qui mit en système et organisa vraiment l’idéalisme concret et le mysticisme gnoséologique a été le plus grand philosophe de la Russie : c’est V. Soloviev.

Comme Khomiakow, V. Soloviev, part de la nécessité de dépasser les voies du rationalisme abstrait et sa plus haute âme, Hegel. Soloviev est non seulement nourri de grandes traditions philosophiques, mais aussi des enseignements de l’Église et des mystiques. Il enseigne la libre Théosophie. Il compte en même temps avec les derniers résultats de la philosophie occidentale. Il reconnaît la vérité relative du rationalisme, de l’empirisme et du criticisme, vérité qui ne devient erreur que quand elle est affirmée exclusivement et séparément des autres côtés de la vérité. Soloviev donna des « principes abstraits » une critique brillante et parfois géniale. Il entend par « principe abstrait » tout principe affirmé isolément et exclusivement et prétendant être suprême. Pour Soloviev toute la culture et la pensée philosophique européenne reposent sur des principes abstraits ; il y manque un centre organique. Le principe de la raison enferme en soi une vérité, mais pris abstraitement, séparément, s’affirmant comme le principe unique et suprême, il devient erreur. Il en est de même pour le principe de l’expérience. La « Critique des Principes abstraits » (c’est le nom de l’ouvrage fondamental de V. Soloviev) le mène à la réhabilitation du savoir intégral organique au sein de la philosophie, à la réunion de la connaissance et de la foi, du théorique et du pratique, du rationnel et du mystique, à la subordination de tous les principes particuliers au principe supérieur de la religion. À la philosophie abstraite est opposée une philosophie organique, à la logique abstraite une logique organique, au mécanisme l’organisme. L’insuffisance des principes abstraits du rationalisme, de l’empirisme et du criticisme