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Étrange groupe que celui-ci… Entre les cinq hommes partis de Saint-Vincent, la méfiance régnait, quoiqu’ils voulussent s’en défendre. C’est qu’à mesure que le temps passait les deux énigmes de la mort de Charles Taillon et d’Égide Chapuis leur apparaissaient plus inquiétantes et plus formidables. Nulle trace, nul indice ne les mettaient sur la voie et chacun, au fond de lui, se demandait si le compagnon qui partageait sa nourriture et son repos n’était pas en possession du redoutable secret… ou, pire, s’il n’était pas l’assassin. François Simard continuait à sentir peser, sur lui l’épouvantable soupçon. Il avait l’impression d’une douloureuse solitude. Enfin, pour tous, il y avait un autre problème, vivant, celui-là : Nazaire Roberval, ce demi-fou, qui, lui, savait peut-être et, sans doute, ne parlerait jamais !

Les chutes n’étaient pas encore débarrassées de leur gangue de glace. Mais, de toutes parts, cette gangue craquait, annonçant le dégel prochain. Parfois, un glaçon cédait, s’écroulait avec un bruit comparable à celui du canon. Parfois, on percevait des crépitements qui semblaient venir des entrailles du sol. On eût dit que la terre craquait et tout cela créait une atmosphère de terreur superstitieuse. Ces hommes eussent souhaité se serrer les uns contre les autres, se rassurer mutuellement, s’aider. Et toujours, l’affreux soupçon les éloignait les uns des autres…

Le soir même de leur, arrivée, campés dans une clairière de la forêt, ils tinrent conseil :

— M’est avis, dit Samuel Larose, que la première chose à faire est d’explorer le pourtour des chutes. Si Taillon et Egide sont tombés du haut des roches, nous pouvons trouver un lambeau d’étoffe accroché à une roche, un objet leur ayant appartenu…

— Imbécile ! dit Légaré. Comment veux-tu distinguer quelque chose à la hauteur où nous serons ? Les chutes ont plus de quarante mètres.

— Et puis, dit Vincent, vous parlez toujours des