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V

LA FEMME DU CHEF


Catherine Chatel ! Oui, c’était elle ! Saint-Flavien reconnaissait l’attirante figure du portrait, les yeux bien ouverts, le front haut à l’expression hardie. Mais la bouche ne souriait plus.

Comme les autres femmes du camp, elle était vêtue du haïk bleu, mais le sien était de soie. Un voile blanc rejeté négligemment flottait sur ses épaules et son cou, ses bras étaient couverts de lourds bijoux d’or où s’enchassaient des pierres précieuses.

— Ne me jugez pas, dit-elle mélancoliquement. Oui, je suis l’épouse d’Ahmer Saloun depuis bientôt deux ans. Comprenez-moi… Il l’a fallu… Oui, je sais bien, cela vous semble horrible… J’ai renoncé à tout, à mon pays, à mon amour… Dites-moi… Je sais que, ces jours-ci, un avion s’est écrasé dans le désert… C’était celui de Bertrand Guizel, n’est-ce pas ?

— Oui. Il allait à votre recherche. Lui et son compagnon sont morts.

Elle chancela sous le coup et des larmes jaillirent de ses yeux tiers. Mais elle ne les essuya pas et continua à parler tandis que des perles humides roulaient sur son beau visage :

— C’est ma faute. J’ai appelé au secours, un jour où je n’en pouvais plus. Je n’aurais pas dû… Au moins, j’en ai sauvé un, car vous avez délivré Marc de Brussieu. n’est-ce pas ?

— Oui. Il est caché dans la carlingue de l’avion.

— C’est bien ce que je voulais. Quand nous ayons été faits prisonniers, Ahmer Saloun s’est tout de suite épris de moi. Je l’ai repoussé d’abord. J’aimais Bertrand Guizel et j’avais l’espoir qu’on me sauverait. Mais Ahmer