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humaine. Tout à coup, au bout d’un long temps, il sentit qu’on lui touchait l’épaule. Il tressaillit, vit Bakar à ses côtés :

— Je crois que c’est fini, dit celui-ci à voix basse.

Le navigateur de Bertrand Guizel avait cessé de vivre comme son compagnon. Lentement, Saint-Flavien lui ferma les yeux en disant tout bas :

— Au revoir, copain… Toi, aujourd’hui… Peut-être moi demain…

À cette heure, les deux aviateurs du Morez 56 s’en allaient sur la route où, comme l’avait dit Rateau, il n’y avait jamais de panne…

Maintenant, les deux aviateurs reposaient dans une tombe creusée dans le sable, unis dans la mort comme ils avaient été camarades dans la vie. Une croix que le vent de sable enterrerait sans doute bientôt, portait, avec la date, deux noms — Bertrand Guizel — Louis Rateau — et celui de l’avion Morez 56. Saint-Flavien et Bakar recueillirent pieusement ce qu’ils portaient sur eux, montres, stylos, briquets — tristes reliques qu’on enverrait en France. Puis le Dépanneur ouvrit le portefeuille qu’il avait pris, selon les instructions du mourant.

D’abord, il trouva les pièces d’identité de Bertrand Guizel, quelques lettres. Puis ses doigts touchèrent un carton. C’était une photographie sur le dos de laquelle on voyait écrits ces mots d’une écriture fine et énergique : « — À mon fiancé, pour le meilleur et pour le pire : Kék Chatel. »

Retournant le carton, il s’absorba dans la contemplation du portrait.

L’aviatrice était représentée en costume de vol. Le casque de cuir encadrait une tête fine aux yeux tendres et volontaires, au nez long, à la bouche un peu forte qui souriait, s’ouvrant sur des dents éclatantes. Une mèche sombre, dépassant du serre-tête, coupait la ligne hautaine du front. Debout, les mains dans les poches de