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La douleur se calma peu à peu, les larmes tarirent, les insomnies cessèrent, je connus et j’aimai la mélancolie… »

Ce qui entretenait encore le poète en ce malheureux état, c’était la correspondance établie entre lui et elle : n’étant plus en contact, ils renouvelaient leur rêve et poétisaient jusqu’à leurs querelles passées :

Alfred de Musset à George Sand.

« Paris, 19 avril 1834. — ….. Je regardais l’autre soir cette table où nous avons lu ensemble Goetz de Berlichingen. Je me souviens du moment où j’ai posé le livre sur la table, après le dernier cri du héros mourant : Liberté ! Liberté ! Tu étais beaucoup pour moi, ma pauvre amie, plus que tu ne croyais et que je ne croyais moi-même. Tu es donc dans les Alpes ? N’est-ce pas que c’est beau ? Il n’y a que cela au monde. Je pense avec plaisir que tu es dans les Alpes. Je voudrais qu’elles pussent te répondre ; elles te raconteraient peut-être ce que je leur ai dit…. »

George Sand à Alfred de Musset[1].

« Venise, 29 avril. — ….. Ta lettre est triste, mon ange, mais elle est bonne et affectueuse pour moi. Oh ! quelle que soit la disposition de ton esprit, je trouverai toujours ton cœur, n’est-ce pas, mon bon petit ?…. »

Alfred de Musset à George Sand.

« Paris, 30 avril — ….. Ce n’est donc pas un rêve, mon enfant chéri ? Cette amitié qui survit à l’amour, dont le monde se moque tant, dont je me suis tant moqué moi-même, cette amitié-là existe ! C’est donc vrai, tu me le dis et je le crois, je le sens, tu m’aimes ! ….. »

Dans son journal intime, Sketches and Hints, George Sand consigne sous le titre de « Venise » une sorte de poème du désespoir : « O Venise, pourquoi es-tu si belle

  1. Publiée dans la Revue de Paris du 1er novembre 1896, lettre 4.