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t’en prie, si tu m’as écrit à Milan, écris au directeur de la poste de me faire passer ta lettre à Paris. Je la veux, n’eût-elle que deux lignes. Écris-moi à Paris….. Quand tu passeras le Simplon pense à moi, George. C’était la première fois que les spectacles éternels des Alpes se levaient devant moi dans leur force et dans leur calme. J’étais seul dans le cabriolet ; je ne sais comment rendre ce que j’ai éprouvé : il me semblait que ces géants me parlaient de toutes les grandeurs sorties de la main de Dieu : « Je ne suis qu’un enfant, me suis-je écrié, mais j’ai deux grands amis, et ils sont heureux !…. »

Elle, de son côté, lui adressa une lettre à Milan.

Je ne parlerai pas de l’existence à Venise de George Sand et de Pagello, après le départ d’Alfred de Musset. La publication, par M. le Dr Cabanès, dans la Revue Hebdomadaire des 1er août et 15 octobre 1896, de longs fragments du journal intime de P. Pagello et autres documents ; les révélations de M. R. Barbiera dans l’Illustrazione Italiana, de Milan, des 15, 22 et 29 novembre 1896, joints au livre de Mme L. Codemo, que nous citons ci-dessus, permettent de retrouver, presque jour par jour, les détails de leur vie privée. Suivons donc le poète dans son voyage.

Le 12 avril, Alfred de Musset arriva à Paris (le 10, dit Paul dans la Biographie), exténué au physique et au moral. Il s’enferma dans sa chambre, et, pendant plus d’un mois, ne voulut voir personne :

«….Je fus saisi d’une souffrance inattendue, raconte-t-il plus tard dans son Poète déchu[1] ; il me semblait que toutes mes idées tombaient comme des feuilles sèches, tandis que je ne sais quel sentiment inconnu, horriblement triste et tendre, s’élevait dans mon âme. Dès que je vis que je ne pouvais lutter, je m’abandonnai à la douleur, en désespéré…

  1. En 1839. — Paul de Musset en cite des fragments dans la Biographie.