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ajouter le moindre point d’interrogation, sans chercher à soulever le voile qui recouvre peut-être un abîme d’iniquités. Le docteur Pagello a souri, rougi, pâli ; les veines colossales de son front se sont gonflées, il a fumé trois pipes ; ensuite, il a été voir jouer un opéra nouveau de Mercadante, à la Fenice ; puis il est revenu, et, après avoir pris quinze tasses de thé, il a poussé un grand soupir, et il a prononcé ce mot mémorable que je vous transmets aveuglément pour que vous l’appliquiez à telle question qu’il vous plaira : Forse !

« Ensuite, je lui ai dit que vous pensiez beaucoup de bien de lui, et il m’a répondu qu’il en pensait au moins autant de vous, que vous lui plaisiez immensamente et qu’il était bien fâché que vous ne vous fussiez pas cassé une jambe à Venise, parce qu’il aurait eu le plaisir de vous la remettre et de vous voir plus longtemps. J’ai trouvé que son amitié allait trop loin, mais j’ai partagé son regret de vous avoir si tôt perdu.

« Je n’écris pas à Sainte-Beuve parce que je ne me sens pas le courage de parler davantage de mes chagrins, et qu’il m’est impossible de feindre avec lui une autre disposition que celle où je suis. Mais si vous lui écrivez, remerciez-le pour moi de l’intérêt qu’il nous porte. Sainte-Beuve est l’homme que j’estime le plus ; son âme a quelque chose d’angélique et son caractère est naïf et obstiné comme celui d’un enfant. Dites-lui que je l’aime bien ; je ne sais pas si je le verrai à Paris ; je ne sais pas si je le reverrai jamais.

« Ni vous non plus, mon cher ; mais pensez à moi quelquefois, et tâchez d’en penser un peu de bien avec ceux qui n’en penseront pas trop de mal. Je ne vous dis rien de la part d’Alfred, je crois qu’il vous écrira de son côté. Amusez-vous bien, courez, admirez et surtout ne tombez pas malade.

T. à v.

« GEORGE SAND. »

22 mars [1834].

« Écrivez-moi à Paris, quai Malaquais, 19, si vous avez quelque chose à me dire. »