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autrement, nous attendrons ton retour et je me bornerai à faire ce que tu me demandes.

« Je te supplie de m’écrire lettres sur lettres, mon cher enfant ; tu comprends combien cela m’est nécessaire en ce moment. Je suis si malheureuse, si tourmentée ! Ton frère et ta sœur sont bien inquiets aussi. J’ai appris avec plaisir que M. Tattet est avec vous ; ce te sera une distraction agréable : un ami est bien précieux à trois cents lieues de tous les siens.

« Nous nous portons tous bien, à l’inquiétude près, qui est un mal insupportable pour moi. Je t’embrasse, mon cher fils, de toute mon âme et t’aime plus que ma vie.

« Ta mère

« EDMÉE. »

« Tu ne m’as pas donné d’adresse positive et pas dit si tu as reçu une seule de mes lettres ; de sorte que je crains toujours qu’elles ne te soient pas parvenues. »

Le timbre d’arrivée à Venise porte la date du 25 mars. A cette époque, Alfred de Musset était donc suffisamment rétabli pour sortir et aller lui-même chercher ses lettres à la poste.

D’autre part, George Sand écrivait à Alfred Tattet, qui lui demandait des nouvelles :

« Votre lettre me fait beaucoup plaisir, mon cher monsieur Alfred, et je suis charmée que vous me fournissiez l’occasion de deux choses. D’abord de vous dire qu’Alfred, sauf un peu moins de force dans les jambes et de gaieté dans l’esprit, est presque aussi bien portant que dans l’état naturel. Ensuite de vous remercier de l’amitié que vous m’avez témoignée et des moments agréables que vous m’avez fait passer en dépit de toutes mes peines. Je vous dois les seules heures de gaieté et d’expansion que j’aie goûtées dans le cours de ce mois si malheureux et si accablant. Vous en retrouverez de meilleures dans votre vie ; quant à moi, Dieu sait si j’en rencontrerai jamais de supportables. Je suis toujours dans l’incertitude où vous m’avez vue, et j’ignore absolument si ma vieille barque ira échouer en Chine, ou à toute autre morgue,