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À des crises nerveuses d’une violence extrême, succédait cette léthargie qui ressemblait à la mort. Le neuvième ou le dixième jour, Musset, comme s’il sortait d’un rêve, ouvrit les yeux en poussant un léger cri, et reconnut les deux personnes présentes : «…..J’essayai alors de tourner ma tête sur l’oreiller et elle tourna. Pagello s’approcha de moi, me tâta le poulx et dit : « Il va mieux ; s’il continue ainsi, il est sauvé….. »[1]. Musset était hors de danger, en effet, mais il s’en fallait de beaucoup qu’il fût guéri : dans une lettre adressée à George Sand, datée du 4 avril 1834, il dit que cette crise a duré dix-huit jours.

Ici nous sommes obligé de toucher un point délicat : pendant cette période aiguë de sa maladie, Alfred de Musset a-t-il réellement vu ou s’est-il imaginé voir George Sand entre les bras de Pagello ?

Dans une relation datée de décembre 1852, écrite entièrement de sa main, Paul de Musset déclare que son frère lui a toujours dit l’avoir vue, pendant qu’il était étendu sur son lit de douleur, mais sans pouvoir préciser le moment : « En face de moi, je voyais une femme assise sur les genoux d’un homme, elle avait la tête renversée en arrière….. Je vis les deux personnes s’embrasser. » Et plus loin : « Le soir même ou le lendemain, Pagello s’apprêtait à sortir, lorsque George Sand lui dit de rester et lui offrit de prendre le thé avec elle….. En les regardant prendre leur thé, je m’aperçus qu’ils buvaient l’un après l’autre dans la même tasse. » Mais c’est Paul qui a écrit cela et non Alfred, et pas une ligne d’Alfred ne fait allusion à ce fait ; il reproche bien des choses à sa maîtresse, mais jamais cela.

Il ne nous paraît guère possible d’admettre que George Sand, épuisée par les veilles, malade elle-même, se soit

  1. Extrait de la même relation de Paul de Musset.