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adresse[1] ; mais vers la fin de janvier, les nouvelles cessèrent brusquement. Mme de Musset s’en plaignit à son fils :


« Paris, ce jeudi, 13 février 1834. « Il m’est impossible, mon cher enfant, de me rendre compte des motifs que tu peux avoir pour me laisser si longtemps sans nouvelles, après la promesse que tu m’avais faite de m’éviter au moins ce chagrin là. Tu connais ma facilité malheureuse à m’inquiéter ; si tu lui laisses un libre cours, je ne puis pas prévoir où elle me conduira. Ces jours derniers, Hermine[2] était malade, elle a pris un rhume en sortant d’un bal chez Mme Hennequin, qui nous avait invitées. Je veillais près d’elle et passais de longues nuits, que l’incertitude de ta position, de ta santé, rendaient bien tristes. Le matin, j’avais une fièvre nerveuse, la tête me tournait, il me semblait que j’allais devenir folle ; je pleurais, je marchais à grands pas dans ma chambre, cherchais quel moyen je pourrais imaginer pour me procurer de tes nouvelles. Enfin, j’ai supplié Paul[3], après plusieurs jours de cet état intolérable, d’aller voir Buloz et de savoir de lui si quelqu’un des amis de Mme Sand avait eu de ses nouvelles. Heureusement Buloz avait reçu une lettre de toi, datée du 27 janvier ; Paul m’a calmé le sang en me rapportant cette nouvelle. Je ne suis plus malade, mais je suis bien triste ; car il faut que tu aies des raisons pour me laisser dans une pareille inquiétude, si tu n’es pas malade, ce que cette lettre à Buloz ne prouve nullement, puisque je ne l’ai pas lue ; au moins, tu es ennuyé, lui-même l’a dit à Paul ; tu ne te plais plus à Venise, peut-être en es-tu parti ; je t’écris à tout hasard ; ma lettre ne te parviendra probablement pas, mais c’est le moindre de mes soucis. Je me soulage en t’écrivant ; il me semble au moins, pendant que je promène ma plume sur ce papier, que tu m’entends et que tu vas te hâter de soulager mon ennui en m’écrivant bien vite. Fais-le, mon bon fils, si cette lettre arrive jusqu’à toi et surmonte la paresse ou le malaise

  1. Ces lettres, qui étaient entre les mains de Paul de Musset, ont disparu, et ne se sont pas retrouvées parmi les papiers laissés par Mme Paul de Musset.
  2. La sœur d’Alfred de Musset.
  3. Le frère aîné d’Alfred.