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raisonnablement, et dansant autour de la table avec ses grosses bottes fourrées »[1] fit l’admiration de la servante d’auberge. Voici maintenant George Sand se masquant le bas de la figure avec son éventail ; un autre portrait de Stendhal ; une tête de vieillard avec cette légende : « Il dottor Rebizzo » ; et enfin, la dernière scène de la traversée : l’auteur, affalé sur le bord du bateau, paye son tribut à la mer, tandis que sa compagne fume gaillardement une cigarette : « Homo sum et nihil humani a me alienum puto »[2]. A cela vient se joindre un autre dessin, sur une feuille séparée, représentant « Il signor Mocenigo. »

A Gênes, George Sand avait senti les premières atteintes des fièvres du pays ; son état ne fit que s’aggraver dans la suite du voyage, elle arriva malade à Venise.

Les deux amants s’installèrent sur le quai des Esclavons, à l’hôtel Danieli, que tenait il signor Mocenigo. Jadis, lord Byron avait habité un palais sur le Grand Canal : « Aveva tutto il palazzo, lord Byron », leur dit leur hôte. Ce souvenir du poète anglais est demeuré si vivace chez Alfred de Musset, que huit ans plus tard, on le retrouve dans son Histoire d’un merle blanc[3] : « J’irai à Venise et je louerai sur les bords du Grand Canal, au milieu de cette cité féerique, le beau palais Mocenigo, qui coûte quatre livres dix sous par jour : là, je m’inspirerai de tous les souvenirs que l’auteur de Lara doit y avoir laissés ».

Les premiers temps de leur séjour furent calmes ; malgré son état maladif, George Sand accompagnait Musset, qui, tout en visitant la ville, prenait des notes

  1. Histoire de ma vie, 5e partie, chapitre 3.
  2. Mme Arvède Barine, dans son livre sur Alfred de Musset, avait déjà mentionné cet album, qu’il ne faut pas confondre avec celui ayant appartenu à George Sand.
  3. Scènes de la vie privée et publique des Animaux. Paris, Hetzel, 1842. T. II, p. 362.