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connaissez pas ? De quel droit, vous qui êtes obligé, pour ajouter un titre à votre nom, de vous appeler républicain de la veille, de quel droit venez-vous, fort de la position que vous avez escamotée, reprendre à un homme de génie la position qu’il a conquise ?

«…Comment, voilà un écrivain qui a doté notre langue d’une admirable poésie ; voilà un poète qui est le frère de Lamartine, de Hugo et de Byron ; voilà un romancier qui est le rival de l’abbé Prévost, de Balzac, de George Sand ; voilà un auteur dramatique qui, avec un seul acte, a fait gagner à la Comédie-Française plus d’argent que vous ne lui en donnez, vous, en six mois ; voilà, enfin, un de ces penseurs qui n’a pas une seule fois sacrifié la dignité de l’art aux ambitions de fortune et de position ; voilà un génie qui n’a demandé à Dieu et aux hommes que la liberté de vivre et de penser à son aise ; qui n’a jamais été ni d’un club politique, ni d’une coterie littéraire ; et il se trouve un ministre qui passe, et qui, en passant, lui prend, pour y mettre qui donc ? la place qui lui assurait cette liberté qu’il demandait, et qui n’était pas même l’aurea mediocritas d’Horace. Oh ! c’est pitié qu’il y ait tant de places en France, que nos républicains en ont tous ; qu’ils en ont pour eux, pour leurs frères, pour leurs fils, pour leurs neveux, pour leur coiffeur, pour leur valet de chambre, pour leurs usuriers ; et qu’il se trouve un poète, Alfred de Musset, à qui la République vienne prendre sa place. Ils ne savent donc pas, les hommes qui font de pareilles choses, qu’ils n’avaient qu’un moyen de transmettre leurs noms à l’avenir, c’était de faire juste le contraire de ce qu’ils font. Ils ne savent donc pas qu’il y a une royauté que ni émeute, ni barricade, ni révolution, ni république ne changeront, c’est la royauté de la pensée du génie….. »

Alexandre Dumas termine en faisant un appel à Lamartine, poète et législateur ; mais, hélas ! M. de Lamartine était beaucoup trop occupé de lui-même pour prêter la moindre attention aux autres, surtout lorsque ces autres ne pouvaient lui être d’aucune utilité pour le maintenir dans sa situation politique.

A la lecture de ces lignes, Alfred de Musset s’empressa