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au-dessus de la cheminée ; et, tout en lisant, comme je levais de temps en temps la tête, j’apercevais dans cette glace le cadavre qui me poursuivait, lisant par dessus mon épaule dans le livre que je tenais à la main. Or, il faut savoir que ce cadavre était celui d’un homme de soixante ans environ, qui avait une barbe grise, rude et longue, et des cheveux de même couleur qui lui tombaient sur les épaules. Je sentais ces poils dégoûtants m’effleurer le cou et le visage.

« Qu’on juge de la terreur que doit inspirer une vision pareille ! Je restais immobile dans la position où je me trouvais, n’osant pas tourner la page, et les yeux fixés dans la glace sur la terrible apparition. Une sueur froide coulait sur tout mon corps ; cet état durait bien longtemps, et l’immobile fantôme ne se dérangeait pas. Cependant, j’entendais comme tout à l’heure la porte s’ouvrir, et je voyais derrière moi (dans la glace encore), entrer une procession sinistre : c’étaient des squelettes horribles, portant d’une main leur tête et de l’autre de longs cierges qui, au lieu d’un feu rouge et tremblant, jetaient une lumière terne et bleuâtre, comme celle des rayons de la lune. Ils se promenaient en rond dans la chambre, qui, de très chaude qu’elle était auparavant, devenait glacée, et quelques-uns venaient se baisser au foyer noir et triste, en réchauffant leurs mains longues et livides, et en se tournant vers moi pour me dire : « Il fait bien froid ! »

On retrouve une partie de ce cauchemar dans la ballade Un Rêve et dans la 18e Revue Fantastique ; enfin Alfred de Musset se montre encore visionnaire dans la Nuit de Décembre.

L’Anglais mangeur d’Opium a été réimprimé dans le MONITEUR DU BIBLIOPHILE en 1878, de façon à former un volume grand in-8º, avec titre spécial ; il est précédé d’une Notice par Arthur Heulhard.


III

LA QUITTANCE DU DIABLE

La Quittance du Diable, pièce en trois tableaux, en prose, écrite dans le courant de l’année 1830, est le pre-