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135 à 144, 149 à 152, 165, 170, 180 à 183 et 187 à 206, sans compter les fragments de phrases retranchés ailleurs ; par contre, sont ajoutées, dans le texte français, les pages 133 à 163, sauf la description de la chaumière (p. 136), de la chambre (p. 139) et l’histoire des deux tasses de thé (p. 140-141) ; le bal, le rendez-vous, l’histoire d’Anna, le duel, sont de son invention, ainsi que la leçon d’anatomie, qui occupe les pages 209 à 216. Cette « leçon d’anatomie » a son importance, non seulement parce qu’elle est entièrement due à la plume d’Alfred de Musset, mais surtout parce qu’elle est le miroir fidèle des impressions qu’il éprouva, lorsque, pendant l’année scolaire 1827-1828, il suivit, à l’École de Médecine, les cours d’anatomie descriptive de M. le docteur Berard[1] ; c’est une page de l’histoire de sa vie :

« La première fois que j’entrai dans les salles de l’École de Médecine, je me souviens encore de l’effet que la vue des cadavres produisit sur moi. Nous étions deux ou trois écoliers ensemble, qui revenions d’une classe de philosophie où l’on nous avait dit beaucoup de belles choses que nous croyions probablement avoir comprises. Nous arrivons. Il y avait sur la table un grand cadavre étendu dans un drap blanc ; on n’en voyait que les pieds, et, à côté, sur la table, un bras écorché qui nageait dans du sang caillé. Je ne sais pourquoi une idée risible qui me vint à l’esprit, me fit tressaillir en ce moment. Je me disais tout bas : « Voilà un bras qui a l’air de demander l’aumône. » Et en effet, la main pendante avait assez cette singulière expression.

« Le professeur n’arrivait pas, et cependant j’attendais avec impatience que ce drap qui me cachait le cadavre fût soulevé. Cet instant vint enfin : je croyais voir quelque chose de beaucoup plus horrible. La leçon commença : je riais de mes camarades que le mal de coeur prenait. Mais lorsque le scalpel vint à entrer dans la chair et que le sang noir, qui coulait lentement sur la poitrine ouverte, commença à exhaler une épouvantable odeur, je m’enfuis à toutes jambes. Que le

  1. La sœur du poète possède encore sa carte d’étudiant en médecine.