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je les connus tous deux soudainement vers l’aube de trois ou quatre heures, en juillet, mais il faisait froid comme à chaque réveil dans les tristes express-retour !

Je les vis très distinctement, je ne vis qu’eux seuls — cinq minutes ! — cet incompréhensible cerf-volant solitaire pas plus grand qu’un petit emplâtre de la dimension de mon cœur, et juste sous lui, dans la plaine, le blanc fantôme du « Watteau » — Et même, celui-ci parlait : Il éleva un peu la tête, et laissa pendre ses deux mains, et dit posant avec mystère : « Je suis venu » — et puis, sourit — et puis très simplement reprit : « calme orphelin »… Je n’entendis pas tout le reste ; je crois qu’il ne le savait pas, bien qu’il fut « riche d’yeux tranquilles. »


Moi, je revenais de Paris. — Tout ceci est vague, très vague, et flottant comme mon esprit — (c’est malgré tout que les mots riment !) —

Maintenant, voici ce que c’est : On se réveille, on a très froid, le train s’entraîne, le train s’emporte : On est penché hors la portière, on lutte avec la douleur du grand vent, le vent-express, contre le cœur, des trains-retour !

Rien n’est plus sombre, quand le matin, piteusement se détortille de ses brumes… Alors je vis ce pauvre Gilles, plus pâle et doux que le matin, et je résolus de l’écrire…

Donc, il s’endormit sous le ciel : c’était un lieu tout à fait vide, entre deux pays ou deux villes, intermédiaire et désert — mais il conduisait à la mer !


Gilles-Cœur avait dix-neuf ans. Il ne s’appelait pas ainsi

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